Apprentissage : une activité rentable pour six CFA sur dix
Malgré des charges en hausse, le taux de marge moyen des centres de formation d'apprentis se stabilise autour de 11 %. Des performances qui cachent de grandes disparités et s'avèrent inférieures à celles affichées par d'autres acteurs de l'enseignement, selon le rapport de France compétences sur l'usage des fonds de la formation professionnelle.
Par Estelle Durand - Le 02 février 2024.
18,2 milliards d'euros, c'est le montant des fonds engagés pour financer les 811 511 entrées en apprentissage enregistrées en 2022. Cette facture qui a augmenté de 10 % en un an relève pour l'essentiel de deux catégories de financeurs : les opérateurs de compétences (50,9 %) pour la prise en charge des coûts de formation, et l'État (46,2 %) qui soutient les recrutements d'apprentis par le biais d'aides aux employeurs. Voilà pour la photographie d'ensemble de l'apprentissage réalisée par France compétences dans son 2ème rapport sur l'usage des fonds de la formation professionnelle.
Une activité qui reste rentable
Ce panorama publié le 24 janvier éclaire aussi sur la situation financière des CFA. L'analyse de leurs comptabilités analytiques montre que leurs charges ont augmenté de 24 % en 2022 pour atteindre les 7,1 milliards d'euros. « Cette augmentation est en partie une conséquence de l'inflation, mais surtout un effet de la hausse des effectifs d'apprentis », précise France compétences. Leurs recettes ayant elles aussi évolué à la hausse (8 milliards d'euros au total), les CFA ont dégagé un résultat net de 852 millions d'euros en 2022.
Un taux de marge qui se stabilise
Dans l'ensemble, l'apprentissage s'avère une activité rentable. Mais le taux de marge moyen des CFA qui avait progressé de près de trois points entre 2020 et 2021 a tendance à se stabiliser (10,6 % en 2022). Et surtout, cet indicateur cache de grandes disparités. Avec un taux de marge moyen de 20,9 %, les structures privées s'avèrent ainsi les plus rentables, loin devant les établissements publics (13,4 %), les CFA consulaires (9,8 %) et les associations (8,8 %). Modèle d'organisation, activités, taille, type de formations dispensées, certifications visées… : autant d'éléments ayant un impact sur la situation financière des CFA.
De fortes disparités à analyser de plus près
Les établissements qui affichent des performances supérieures à la moyenne ne sont pas forcément ceux qui accueillent le plus grand nombre d'apprentis. Le taux des marges des plus gros CFA (plus de 5 000 apprentis) se situe, par exemple, à 9,2 % contre 13,1 % pour les plus petits (moins de 150 apprentis) et 15,2 % pour les structures de taille intermédiaire (150 à 1 000 apprentis). Associer l'apprentissage à une autre activité et dispenser des formations dans le secteur des services plutôt que de la production semblent des éléments favorables à une meilleure rentabilité, selon les données publiées par France compétences. Mais d'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte. L'instance de régulation publiera dans les prochains mois, une étude plus poussée sur les performances et les modèles économiques des CFA.
Un quart des CFA dans le rouge
Dans un système transformé par la réforme de 2018, la majorité des CFA parviennent à tirer leur épingle du jeu. Mais comme en 2021, près d'un quart des établissements se trouvent en situation de déficit. Un point à surveiller, sachant que cette 2ème édition du rapport ne tient pas compte des dernières révisions à la baisse des niveaux de prise en charge. Pour ces CFA qui n'ont pas trouvé l'équilibre, 2023 pourrait s'avérer une année à haut risque. De façon générale, les performances des CFA se révèlent inférieures de trois points à celles observées dans d'autres secteurs de l'enseignement dont celui de la formation professionnelle continue. En 2020, la situation des CFA était pourtant plus favorable. « Contrairement aux entreprises marchandes du secteur de l'enseignement, les marges des CFA semblent avoir été peu impactées par la reprise économique post-Covid », avance Stéphane Lardy, directeur général de France compétences, dans ce 2ème rapport.
La pédagogie fait la différence
Cette nouvelle édition est aussi l'occasion de présenter les premiers travaux menés dans le cadre des réflexions engagées pour identifier des pistes de régulation par la qualité. Pour ce faire, les équipes de France compétences se sont appuyées sur les données d'Inserjeunes (niveau CAP à BTS) et les informations issues des comptabilités analytiques des CFA. Cet exercice a permis de d'identifier plusieurs typologies d'établissements et d'analyser leurs spécificités. Il en ressort que les CFA qui affichent de bons résultats en termes d'insertion professionnelle ou de poursuite d'études présentent des coûts de revient plus importants que les autres – « et notamment des charges de pédagogie plus élevées », constate France compétences. Ce travail « exploratoire » a été effectué sur un périmètre limité, celui d'Inserjeunes. Il reste à approfondir et à affiner, précise l'instance de régulation.